A la zoupe!!

La vieille Gertrude suait à grosse gouttes. Elle avait beau être de bonne constitution, ses quelques kilos en trop lui pesaient. Il faut dire qu'à son âge, couper des arbres se révèlait être plutôt difficile. Elle s'appuya contre le tronc du gros pin sur lequel elle s'affairait pour reprendre son souffle.

"Ich kriege allmählich Hunger" se dit-elle, tandis que son estomac se rappellait à son bon souvenir. Mais ses reserves de nourriture étaient restées à leur campement, quelques centaines de mètres en amont. Elle leva les yeux vers la pente, dépitée, puis bu quelques gorgées d'eau dans sa gourde cabossée. En la portant à ses lèvres, elle sentit dans sa poche le poids des champignons qu'elle avait ramassé ces derniers temps. Elle n'avait pas la moindre idée de leur comestibilité, mais elle avait trop faim pour reflechir. Elle saisit la boîte de conserve qui lui servait de gamelle, la remplit d'eau, fît un feu, et après avoir déchiqueter le plus gros des champignon, posa le tout pendant quelques minutes sur le foyer brûlant.

"Ach! Das ist ein gut festessen!!" jubilait-elle tandis que dans l'eau bouillonnaient les morceaux d'Amanite. Elle retira le récipient du feu, et après avoir attendu que celui-ci refroidisse, engloutit soncontenu en quelques lampées goulûes.

Les premières hallucinations arrivèrent après 30 minutes... Elle s'était remise au travail quand elle aperçu un papillon violacé. Elle n'était pas "fleur bleue" pour un sou, mais elle se sentait de bonne humeur et suivit le bel animal dans un recoin de la forêt. Celui-ci après avoir changé moult fois de couleur, se mit à changer de forme, sans que celà ne fasse réagir la vieille décrépite qui suivait dans une attitude des plus contemplative que personne lui ai jamais connu. Les fleurs poussaient maintenant autour d'elle dans un ballet de couleurs châtoyantes, et elle se laissa tomber avec délices dans ce cocon de coton, chaleureux et acceuillant.

Quand elle reprit ses esprits, elle gisait au milieu des débris d'écorce, ses membres emmaillotés dans du liseron sauvage. Des voix l'appelaient...

Combien de temps avait-elle pu passer dans cette position...

"Wo sind Sie? Che suis là mes amis!!"

Depuis son arrivée au bois, Ariel était aux anges, le regard attiré à chaque détour de tronc d'arbre par les psylocibes divers et variés que les radiations faisaient proliférer, et c'était sans parler des espèces de champignons mutants qui avaient apparues, et dont sa préférée demeurait l'amanite phalloïde spongieuse, aux vertus "thérapeutiques" foudroyantes. Ainsi, elle n'avait eu de cesse en quelques jours de confisquer aux bûcherons leurs stocks de champignons en prétextant alléger leurs besaces, parce que faut dire ce qui est : les bûcherons avaient la cueillette sévère et certains d'entre eux entassaient parfois jusqu'à une dizaine de kilos de ces petites choses qui font rire. Toujours est-il qu'au milieu de groupe de bûcherons qui s'évertuaient à couper du bois sans outils coupants, Ariel entre deux branches arrachées cherchait Gertrude, pour sa taxe fongique quotidienne.

"Elle est partie dans cette direction tout à l'heure", dit une voix dans son dos.
Ni une ni deux, voilà Ariel en pleine cavalcade, braillant à travers la forêt :
"Vieille tyrolienne fumante ! Si tu crois tirer au flanc sans qu'on t'remarque, t'es bonne pour la marmite !" etc etc.
Bien sûr, le réel objet de son courroux, Ariel le gardait silencieux : si quelqu'un l'apprenait, il était foutu de tout faire pour la concurrencer, et jamais elle ne deviendrait la reine des champignons...

Gertrude commenca à se relever laborieusement en arrachant les differentes espèces végétales qui semblaient vouloir faire corps avec elle, et se dirigea vers la voix qui l'appelait. En montant une petite pente, elle trébucha sur une racine et se retrouva les "quatre fers en l'air", découvrant ses vieux dessous usés...

C'est dans cette position incongrue qu'Ariel découvrit la vieille bavaroise....